Salle de cinéma du festival d'Annecy

Ce jeudi, nos reporters bénévoles ont continué leurs pérégrinations animées au sein du Festival international du film d'animation d'Annecy. Des coups de gueule des travailleur·euses aux coups de cœur de la rédaction, retour sur cette cinquième journée de festival.



🔶 Rassemblement contre l’intelligence artificielle générative

Reporter bénévole : Maelias
Artiste 2D, designer graphique

À 14H, se rassemblaient sur le Pâquier les syndicats SPIAC-CGT, SNTPCT, CNT, et l'association Les Intervalles (qui s'étaient réunis la veille en soutien au groupe La Barbe !) pour porter plusieurs discours de sensibilisation et de mobilisation sur les conséquences de l’utilisation des IA génératives dans plusieurs industries, parmi lesquelles l'industrie du cinéma d'animation ou du doublage (voir TouchePasMaVF). 

Il est important de se rapprocher des associations, des collectifs et des syndicats pour pouvoir faire bouger les lignes, afin que les abus ne s'étendent pas plus et ne deviennent pas une norme.

Retrouvez le communiqué de presse commun « rédigé et soutenu par un regroupement international de syndicats et associations du film d’animation, du jeu vidéo, de scénaristes et du VFX, appelant à une action concernant l’utilisation des IA génératives et ses impacts destructeurs ».

Retrouvez également les articles de l'association Les Intervalles sur le sujet.


🔶 Lesbian Space Princess : du queer et de l'humour 🧡🤍💖

Reporter bénévole : Maelias
Artiste 2D, designer graphique

Le titre de ce film est sans détour et va droit au but : Princesse lesbienne de l'espace. C'est un concentré de culture saphique dans un humour porté à son paroxysme ! On y retrouve des jeux de mots et des références à des œuvres cultes (Pokemon, Magic: The Gathering) mais aussi et surtout des références connues des milieux queers : oui, les eggs y sont aussi.

ℹ️ egg” (oeuf) signifie, dans la culture trans anglophone, une personne qui présente un début de réalisation, en déni, de sa transidentité. On dit alors que la personne est sur le point d’éclore pour devenir “a chick” (une poule) ou “a cock” (un coq).

Il y a une grande variété de représentations dans les personnages, avec une belle diversité d’ethnies, de sexualités, de genres, de pronoms, de performances, etc. Le spectre s’étend des drags aux mâles hétéro cisgenres — les antagonistes et grandes victimes de ce système (solaire) oppressif. 

On y trouve aussi beaucoup de représentations de membres génitaux. Je trouve que ça laisse penser à des rapprochements bio essentialistes ; mais le film parle de spectre de sexualité, d’attirances, d’identités de genre tout en ayant une grande variété de corps. De plus, il me semble que l’équipe de réalisation sait de quoi elle parle. On retrouve des symboles importants dans l’histoire lesbienne, comme le labrys.

ℹ️ Le labrys, une hache double d'origine minoenne, a été adopté dans les années 1970 comme symbole lesbien pour sa connexion aux mythes de femmes puissantes comme les Amazones. Il représente la force, l’indépendance et la résistance des femmes lesbiennes face à l'oppression.

Le film a bien quelques défauts ou simplicités : certaines morales et évolutions de personnage se font très rapidement et le style d'animation est modeste. Mais ce n'est pas le plus important, puisque ces imperfections servent avant tout à mettre en exergue les blagues. Par son humour qui brise souvent le 4ème mur et son animation cartoon très libre, le film adopte un style proche de celui de la série Rick & Morty. Cet humour se ressent jusque dans les compositions musicales de Leela Varghese, la réalisatrice du film.

🔗 Voir cet événement sur le site du festival

 


🔶Arco : un autre de nos reporters est conquis 🌈

Reporter bénévole : Quentin Dumas
Assistant de production, journaliste, vidéaste

C'est le premier long métrage d'Ugo Bienvenu, toujours servi par son esthétique pop art californien, reconnaissable entre tous !

Le chara design réaliste n'est pas sans rappeler celui des œuvres de Jérémy Perrin et évoque la marque d'une SF adulte « à la française ». À ce réalisme de personnage se mêle une touche de fantasy dans l'animation qui appelle au rêve et à la liberté.

 Mais le film reste avant tout résolument ancré dans les enjeux contemporains en mettant dos à dos une société sur le point de s'effondrer (la nôtre) et une société futuriste où les Hommes ont définitivement dû prendre leurs distances avec la Terre après l'avoir définitivement saccagée.

Comme dans sa précédente BD Préférence Système, Ugo Bienvenu fait l'éloge d'un mode de vie plus proche du vivant et critique des hautes technologies trop aliénantes. 

C’est un très beau film de science-fiction à la fois engagé, drôle, ambitieux dans sa réalisation et qui saura émouvoir toutes les générations !

🔗 Voir cet événement sur le site du festival

 


🔶 Marcel et Monsieur Pagnol : c'est très beau, mais…

Reporter bénévole : Maelias
Artiste 2D, designer graphique

Sylvain Chomet, le réalisateur derrière ces 3 ans de production, avait déjà en tête l’idée de faire ce film 8 ans auparavant. Il a pris la parole avant le début de la séance pour nous indiquer avoir voulu « rendre hommage au cinéma du réel », en retraçant l’histoire d’une idole du monde de l’art. Pour ce faire, la production s’est mise à la création d’une animation à la fluidité parfaite.

Les décors sont riches, marqués par l’aspérité d’aquarelles, le tout me faisant penser aux œuvres Disney comme Les Aristochats ou encore les 101 Dalmatiens. Avec des personnages aux designs très variés, aux traits très expressifs et caricaturaux de leurs originaux, le réalisme se retrouve jusque dans le doublage, où un soin particulier a été apporté aux accents, au vocabulaire et aux gestuelles typiquement marseillaises.

Le film fait le récit de la vie de Marcel Pagnol, et ce, au détail près de la page Wikipédia qui lui est dédiée. On retrace son histoire dans l’ordre chronologique, à partir du moment où il se revoit enfant et on passe de séquences en séquences les chapitres de sa biographie.

Bien que plusieurs personnages possèdent une personnalité ridicule et des interactions exagérées dans l’intérêt du comique, on trouve aussi les personnages féminins dans leurs défauts : celui de n’exister que pour Marcel Pagnol. Pourtant, certaines se séparent de lui, mais le film prend alors le parti de raconter la tristesse de l’homme trop amoureux. La mention de ses tromperies est très vite esquivée, par contre, chacune des femmes rompt à cause d’une insatisfaction personnelle paraissant minime, et seule une d’entre elles parle de la jalousie excessive de Marcel Pagnol, en mentionnant son sentiment d’être séquestrée — un passage romantisé en quelques lignes dû à l’avènement militaire de la Seconde Guerre mondiale.

Le film est beau dans sa technique, ses compositions de plan et la justesse de ses animations, mais un sentiment de gêne persiste : qu’un film comme celui-ci sorte aujourd’hui avec ces maladresses narratives, je ne peux pas m’empêcher d’y voir des biais sexistes.

🔗 Voir cet événement sur le site du festival

 


🔶 Falcon Express - Making of

Reporter bénévole : Zel (Camille)
Chargée de production en animation, exploitante en cinéma, journaliste

J’ai pu assister au making of de Falcon Express, le prochain long-métrage de TAT Production, présenté dans la catégorie Séance événement. Ayant une affection très personnelle pour le studio toulousain, il était donc tout naturel pour moi d’y être présente ! 

C’est une année particulière pour le studio qui fête ses 25 ans ! Les producteurs et cofondateurs de TAT, Jean-François Tosti et David Alaux, étaient présents sur la scène et nous ont montré une vidéo revenant sur les nombreuses réalisations de TAT au fil des années depuis 2000 : Les As de la JungleTerra WillyPattie et la Colère de Poséidon, etc, avant de se concentrer sur Falcon Express et de le replacer rapidement dans l’historique du studio. Ils nous ont également montré le trailer américain du film qui sortira fin octobre chez eux.

Jean-François Tosti et David Alaux sont revenus ensemble sur la fabrication du film sur différents aspects, notamment l’hommage au cinéma d’action des années 80/90 (Piège de Cristal ou encore Le Pont de Cassandra), qu’ils affectionnaient tant avant de fonder le studio en 2000. Ils ont expliqué les difficultés qu’ils ont rencontré lors de la fabrication du film, notamment l’idée d’avoir un film à titre concept soit Pets On a Train, l’ancien titre de Falcon Express, et de développer une véritable histoire et des personnages attachants autour d’un pitch si court. 

Ils ont aussi expliqué l’importance des références à la pop culture dans le film pour que les spectateur·ices puissent s’impliquer dans le long-métrage en plus de s’attacher à des personnages forts et haut en couleurs dont nous avons eu la présentation dans ce making of.

Les producteurs et cofondateurs de TAT sont enfin revenus sur les différentes étapes de production d’un film 3D, en nous montrant la modélisation de personnages, leur rig (squelette 3D) ou encore les textures et le fur (pelage) des personnages.

Ce moment partagé avec le studio était très instructif et a permis à tous·tes les passionné·es d’animation de connaître tous les procédés de fabrication d’un film made in TAT, en plus d’avoir pu leur poser des questions !

🔗 Voir cet événement sur le site du festival

 


🔶 Space Cadet : un grand récit pour les petit·es 🤖

ℹ️ La catégorie Contrechamp met en lumière des longs métrages d’animation audacieux, innovants ou marginaux par rapport aux standards de l’industrie. Elle offre une vitrine aux voix émergentes et aux approches artistiques singulières du monde entier.
Reporter bénévole : Zel (Camille)
Chargée de production en animation, exploitante en cinéma, journaliste

Adapté du comic du même nom multi récompensé du DJ québécois Kid Koala, le film Space Cadet fut pour moi un moment de cinéma très doux et très agréable. 

Dans ce film sonore, nous suivons Céleste et son Robot, qui veille sur elle depuis un très jeune âge, à la suite de la disparition soudaine de sa mère, une célèbre astronaute. A présent, Céleste est une jeune astronaute diplômée qui marche dans les pas de sa mère toujours sous l'œil aguerri de Robot. Alors qu’une mission spatiale attend la jeune fille, la séparation de ce duo apparaît significative pour chacun·e. 

Le film traite avec une grande justesse de la séparation et de l’impact de l’absence d’un être cher. Les deux se remémorent des souvenirs très précieux liés à l’enfance de Céleste, s’échangent des cadeaux avant de partir et trouvent une nouvelle façon de vivre malgré elleux : Céleste survit tant bien que mal sur une planète inconnue et Robot fait de la peinture.

Dans sa réalisation, le film se veut très modeste. Avec ses chara-designs très simplistes, on sent que le film veut s’adresser à un jeune public. Le long-métrage possède une 3D très lisse et des décors qui peuvent sembler vides parfois (que ce soit à l'intérieur de la maison ou les rues de la ville). Pour autant, ce n’est absolument pas gênant et c’est même au contraire très astucieux, car cela permet aux spectateur·ices de se concentrer sur l’essentiel à savoir les personnages.

L’esthétique du film a aussi un charme fou : elle donne un petit côté rétro aux Robots que l’on pourrait croire tout juste sortis du film Le Jour où la Terre s’arrêta. La technologie spatiale baigne aussi dans une esthétique très rétro, notamment grâce à un gigantesque clavier avec des boutons uniformes par exemple.

Space Cadet est pour moi une petite pépite du festival qui m’a touchée en plein cœur et m’a beaucoup attendrie.

🔗 Voir cet événement sur le site du festival

 


À demain pour l'édition dédiée aux séances et événements de vendredi ! 👋

Fin de l'article