Heavies Tendres

Heavies Tendres est un film d’animation espagnol (en langue catalane) réalisé par Joan Tomas Monfort et Carlos Pérer-Reche. Il est l’adaptation d’une mini-série d’animation de 8 épisodes du même nom, créée par le dessinateur Juanjo Saez.

Synopsis : Juanjo, un garçon asthmatique et surprotégé, et Miquel, dont la vie de famille est compliquée, sont deux ados à Barcelone en 1991, qui, à travers leur amitié et la musique metal, vont trouver un refuge face à la difficulté de la vie.

Ce film est d’une grande tendresse envers le métal et ses jeunes fans. Il nous fait découvrir comment la musique, et particulièrement le heavy metal, peut nous transporter et nous aider à avancer.

Juanjo et Miquel, un récit très humain

Heavies Tendres nous raconte la vie de deux jeunes adolescents Barcelonais. D’un côté, nous avons Juanjo, un adolescent maladif et timide, mais extrêmement passionné par la musique heavy métal ; il vit entouré d’une famille aimante et (sur)protectrice, provenant de la classe moyenne. De l’autre côté, nous avons Miquel, un adolescent acerbe et désabusé, qui doit s’occuper de ses sœurs et de sa mère alcoolique en l’absence de son père ; c’est au contact de Juanjo et de sa passion pour le métal qu’il se dévoile sous un nouveau jour, comme un garçon fort, fidèle et passionné.

Ses deux protagonistes sont la plus grande qualité de Heavies Tendres. On nous présente deux personnages très humains et attachants, grâce à leur vécu, leur personnalité, mais aussi leurs défauts ; ce ne sont pas des héros idéalisés, mais plutôt des adolescents qui doivent faire face à la vie. Nous assistons ainsi à leurs déboires à l’école, en amour, en famille, mais également à des moments de joie, de complicité et d’amitié. Par l’intermédiaire de ces moments de vie, on ressent forcément beaucoup d’empathie pour Juanjo et Miquel, car on peut facilement s'identifier à ces sentiments de peur et d'incertitude face au présent et au futur.

Enfin, en nous parlant de ces deux adolescents, Heavies Tendres nous parle de la jeunesse, bien sûr, celle qui vivait à Barcelone dans les années 90, mais aussi finalement celle qui vit actuellement. En effet, ces émotions intenses que ressentent Juanjo et Miquel — la joie, la peur, la rage, l'amour — sont des caractéristiques universelles de la jeunesse. De ce fait, bien que le film soit ancré dans un contexte précis, il sait parler à tout le monde par son universalité.

Le pouvoir libérateur du metal

Heavies Tendres est aussi une ode au pouvoir que la musique a sur les gens, et bien sûr, spécifiquement le pouvoir du heavy metal. Au début du film, Juanjo et Miquel sont deux jeunes qui ne se sentent pas à l’aise dans la société et avec leurs pairs. Pour Juanjo, la source de son mal-être vient de son anxiété sociale, là où Miquel connaît une situation familiale difficile. La musique est alors pour eux deux un refuge pour échapper à leur quotidien difficile. Grâce à elle, ils se révèlent et s’accomplissent (surtout Miquel).

Le heavy métal est caractérisé par l’énergie chaotique, brute et sauvage qu’il dégage. Le personnage de Miquel trouve dans ce style de musique un reflet de ses tourments intérieurs, de la rage incontrôlable qui l’habite. On découvre ainsi l’aspect cathartique du métal : c’est un exutoire, un endroit où purger, expulser, son chaos intérieur. Le personnage de Miquel évoque le long-métrage L'enfant sauvage de Truffaut, qu'il étudie en classe, et fait un parallèle avec son ressenti : selon lui, tout comme l'enfant éponyme qui n’est pas fait pour vivre dans la société, les métalleux sont, elleux-aussi, trop chaotiques, trop sauvages pour les règles et les attentes de notre société.

Malheureusement, cette vision touchante du métal n’est pas soutenue par l’univers sonore du film. Heavy Tendres souffre d’une trop grande sobriété sonore. On peut bien sûr pardonner l’absence des titres iconiques des grands noms du métal évoqués par Juanjo et Miquel pour des raisons économiques évidentes (les droits des musiques de Metallica doivent coûter une fortune). Toutefois, il est extrêmement regrettable de ne pas avoir une bande son originale qui retranscrit cette puissance du métal qui transcende les personnages principaux. Les compositions du film sont des imitations catalanes de titres connus qui manquent d’énergie.

Mettre en scène l’intime

Le parti pris visuel du film est très important, car il fait preuve d'un grand minimalisme. Le dessin est caractérisé par un style enfantin. Le trait est, d’apparence, maladroit, les formes approximatives et les proportions erronées, tel le dessin d’un enfant (ou d’un adolescent). Nous avons alors l’impression de plonger dans le journal intime des personnages, qui serait constitué, non de mots, mais de dessins. 

Les formes, les personnages et les décors du film sont simplifiés au maximum, ne laissant ainsi que l’essentiel pour raconter l’histoire. La perspective ou les échelles de taille n’existent plus. Leur exagération est utilisée comme un moyen de mettre en lumière des éléments ou des actions. L’animation est pensée à la manière d’un enfant qui représente ce qu’il souhaite, sans techniques, sans connaissance de la perspective ou des proportions, et qui produit alors des formes simples, mais qui vont à l’essentiel.

La mise en scène est alors, elle aussi, simple et efficace. Elle nous montre uniquement l’essentiel, sans superflu. Tous les éléments, de la composition aux formes, ne servent qu’à transmettre le plus directement un seul message. Chaque scène du film est telle un croquis personnel posé au centre d’une feuille qui se mettrait soudain en mouvement. Si, à première vue, le style pourrait sembler bâclé, il n’en est rien : le film utilise pleinement les contraintes de l’animation pour représenter la psychée des personnages et pour épouser les spécificités du scénario. De cette façon, il nous fait plonger directement dans l’intime.

Heavies Tendres est un film qui déborde d’amour et de tendresse pour ces jeunes paumés qui se cherchent, et particulièrement, lorsque ce sont des métalleux. Le film se concentre sur les déboires et l’amitié de Juanjo et Miquel. Ils représentent le malaise d’une partie de la jeunesse qui ne se retrouve pas dans la société. Le film nous montre l’impact que la musique peut avoir sur ce genre de personne, et notamment le métal. Il nous montre sa nature cathartique et la sensation de chaos exutoire, libérateur qu’il procure.