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Multi-primé en juin au festival d’Annecy 2024, attendu dans nos salles fin octobre, découvrez notre avis sur ce film.



« Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l’eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux. »

Ailleurs et Flow : la comparaison inévitable

Après avoir raflé en 2019 le prix Contrechamp au festival d’Annecy avec Ailleurs (Away en VO), le réalisateur letton Gints Zilbalodis revient cette fois-ci en compétition officielle pour cette édition 2024.

©  2024 - Septieme Factory 

Ailleurs, premier film de Gints Zilbalodis 

Beaucoup de choses ont changé entre ces deux films. Là où Ailleurs avait été réalisé entièrement par Gints Zilbalodis, Flow s’est vu soutenu par une équipe d’animateurs et a bénéficié d’une véritable post-production. Le film a même reçu le soutien inattendu du studio français Sacrebleu Production, habituellement présent dans les productions 2D.

Ailleurs est une prouesse technique et symbolique – ce n'est pas tous les jours que l’on voit de l’animation lettone – qui a ouvert la porte à de plus grands projets pour le réalisateur.

Il est impossible de ne pas comparer les deux œuvres tant elles sont similaires dans leurs thématiques et leurs déroulés scénaristiques. Flow commence de la même manière qu’Ailleurs : l’errance du protagoniste l’amène à rencontrer d’autres animaux (et à s'entraider).

 

                             ©  2024 - Septième Factory                                                    © 2018 UFO distribution

Ailleurs et Flow, des amitiés naissantes dans les moments de solitude et désolation

Les deux films rencontrent des similarités dans la mise en scène. La narration se fait par l’intermédiaire des caméras mobiles et de longs plans-séquences, donnant un sentiment de quête ininterrompue. Læ spectateur·ice est donc ellui aussi embarqué·e dans une aventure épique lui offrant peu de moments de répit, dû à l’absence de fondus au noir ou de cuts.

 

Flow, une immersion totale travaillée dans les moindres détails

 

Mais là où Ailleurs proposait un protagoniste humain, Flow fait le récit d’un chat. Nous sommes ramené·es à l'échelle d’un félin, où tout peut être un danger. La forêt peut tantôt être un terrain de chasse et de découverte amenant à des moments calmes, tantôt un environnement hostile où les piétinements de cervidés et les courses poursuites avec des chiens peuvent coûter la vie.

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Cette immersion totale déformant notre point de vue est renforcée par les environnements 3D magnifiques, aux textures travaillées, et par le sound design réaliste. Tout comme Ailleurs, le film est sans paroles, les animaux ont donc une palette d’expression liée à leurs cris naturels. Les miaulements, piaillements et aboiements côtoient une musique immersive, qui donne à cette aventure féline l'impression d'être un documentaire animalier. 

Ce qui frappe dans le dernier film de Gints Zilbalodis, c’est aussi le monde dans lequel les personnages évoluent. La forêt est le point de départ de l'odyssée de ces animaux qui les amène à évoluer dans des environnements mystérieux et oniriques, où l’être humain n’est présent que par les vestiges qu’il a laissés.

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Que ce soit une maison de bois servant d'habitation à notre personnage félin, les statues de pierre à son effigie ou les temples aux architectures qui n’en finissent pas, tout nous porte à croire que les hommes sont passés par là. 

 

Mais alors, que s’est-il passé ? Qu’est devenue la race humaine ? S’est-elle volatilisée d’un coup ? Que sont ces statues ? À qui sont dédiés ces temples ? Pourquoi reste-t-il autant de traces de l'activité humaine ? Est-ce que la bande d’animaux que l’on suit serait une représentation de l’Arche de Noé ? Y a-t-il eu un déluge avant ça, responsable de la disparition de l’espèce humaine ?

Il s’agit d’autant de questions qui ne trouveront pas de réponses, sans que ça ne pose de problème. Flow n’est pas le genre de film qui souhaite apporter toutes les clés de compréhension aux spectateur·ices.

Toutes ces traces de vies humaines ne sont là que pour être des éléments de background. Du point de vue d’un animal, ce ne sont que des structures sur lesquelles se déplacer ou à observer. Il n’y a donc pas d’intérêt à ce que ces pistes soient développées.

 

Mais alors que pourrait signifier Flow ?

 

Une symbolique à lier à son réalisateur : Gints Zilbalodis

                                                                  ⚠️ Attention aux spoilers                                                                    
Si vous ne souhaitez pas être spoilé·e, ne lisez pas la suite. Un autre cadre plus bas vous indique la fin du spoiler.
© Photo prise par Zel pour Cartoon Fantasy

Gints Zilbalodis présente son film dans la grande salle de Bonlieu

 

Lors de sa présentation dans la grande salle de Bonlieu le mardi 11/06 lors du festival d'Annecy, Gints a déclaré au public : « Je me suis beaucoup vu en ce chat ». 

 

Revenons sur le film. Nous suivons ce chat n'aimant pas l’eau, seul, malmené par une bande de chiens jusqu'à ce que les eaux montent.

L’eau est un véritable cauchemar pour lui, mais il est secouru par un capybara nonchalant et son navire avant d'être rejoint par un lémurien matérialiste, un oiseau au départ étrange mais courageux, et enfin un adorable labrador.

L’eau le rebute mais petit à petit, il va y plonger de son plein gré, et chasser des poissons pour nourrir les autres.
 

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Il tombera plusieurs fois sur une étrange créature, une sorte de baleine ayant subi des mutations qui viendra à son secours à quelques reprises.

De retour dans la forêt dont était parti tout ce périple, les eaux se sont retirées. Cependant la horde de cervidés qui s’enfuit met en alerte le chat, et le spectateur par extension, vers une possible nouvelle catastrophe. 

Au final il n’en sera rien, mais nous ne sommes pas à l’abri qu’un possible cycle recommence un jour (en témoigne au début du film un bateau coincé dans un arbre, indiquant que nous n’avons vu qu’une boucle d’un cycle)

© Gints Zilbalodis par Kristaps Kalns

Le réalisateur est le chat, c'est acquis. Et si on applique la métaphore de la réalisation sur le récit de Flow, beaucoup de choses prennent sens. 

L’interprétation est de notre fait mais rien n’empêche de vous faire la vôtre et d’y voir quelque chose de complètement différent.

 

Gints était seul pour la réalisation de son premier film. Maintenant reconnu dans le cinéma d’animation, Il a quitté la scène de la Lettonie et se lance dans le marché de la réalisation à destination de l’international.

Il est plus expérimenté, cependant le monde est plus vaste et les enjeux plus grands. La pression est plus forte et peut vite nous engloutir (les eaux). La concurrence est aussi présente (la bande de chiens) mais c’est aussi dans cette jungle du travail (la forêt) que Gints trouvera une équipe (les animaux avec qui il voyage) pour l’accompagner dans la réalisation de son second film (en l’occurrence Flow).

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Le réalisateur letton s’aventure dans la conception de son film aux côtés de son équipe. Là où dans Ailleurs, il tenait littéralement les rênes de la réalisation de A à Z (représenté par le jeune homme conduisant),  ici Gints Zilbalodis ne tient pas tout le temps la barre. 

Chacun fait en sorte que le trajet se passe bien et prend soin les uns des autres. Tout le monde a son poste, que l'on peut appliquer aux postes d’un studio d’animation.  

 

Lorsqu’il tombe dans l'eau, il est secouru par une sorte de baleine étonnante aux multiples nageoires. Au cours de son voyage, Gints la croisera plusieurs fois avant de la voir une ultime fois hors de l’eau, condamnée à une mort certaine, juste quelques minutes avant la fin du film. Le chat se frottera contre elle comme pour la remercier, comme un ultime adieu.

Cette baleine traitée comme un animal fantastique pourrait symboliser « l’idée » qui est venue inspirer Gints Zilbalodis à de multiples reprises dans les moments de creux. Le fait que la baleine meurt pourrait symboliser la fin de l’inspiration. Le film est terminé et le réalisateur est reconnaissant de toutes les idées qu’il a eues pour construire son histoire.

 

Un nouveau souffle pour un prochain film

 

Une fois les crédits passés, nous découvrons au loin une autre baleine sautant hors de l’eau. Pourrait-il s’agir d’une nouvelle idée menant à un nouveau film ?

Dans Ailleurs nous avions déjà croisé des chats noirs, alors il est peut-être possible que certains personnages de Flow apparaissent dans son prochain film ? Peut-être la baleine ?

©  2024 - Septieme Factory

Ces chats issus d’Ailleurs semblent familiers

✅ Fin de la partie spoiler                                                               

 

Alors qu’Ailleurs et Flow possédent la même structure - bien que la thématique du voyage soit traitée différemment - il ne faudrait pas que Gints Zilbalodis s’enferme dans un même modèle de récit et prenne le risque de ne pas se renouveler. 

Peut-être qu’une autre expérience personnelle du réalisateur viendra nourrir son esprit de création. Flow s’est fait reconnaître dans le monde du cinéma de manière internationale avec Cannes et Annecy. Pleinement reconnu, peut-être que le temps de la fuite est révolu pour Gints Zilbalodis ? 

Mais avant de penser au futur, regardons ce que nous avons déjà sous les yeux.

 

Flow sortira en salle le 30 octobre. Ayant raflé plusieurs récompenses comme le Prix du public, le Prix de la fondation Gan, le Prix de la musique originale ou encore le Prix du Jury, c’est rare qu’un film soit aussi reconnu à l’unanimité lors d’un palmarès.

Nous ne pouvons que vous pousser à vous rendre dans votre salle de cinéma la plus proche pour découvrir cette odyssée poétique et contemplative.

 

Vous aussi, plongez dans le courant.

Fin de l'article
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Par Zel