Sisyphus (1974)

Sisyphus est un court métrage de deux minutes sorti en 1974. Il est réalisé par Marcell Jankovics, qui n'est alors qu'un jeune réalisateur hongrois travaillant pour le studio Pannonia, considéré comme le plus grand du pays et situé dans sa capitale : Budapest.

Après son premier long métrage intitulé Johnny Corncob sorti l'année précédente, il réalise ce court métrage, reprise du mythe grec éponyme (Sisyphe en Français). 

Commencer par la fin

La prémisse du mythe est simple : l'histoire d'un homme ayant défié les dieux, qui doit éternellement ramener un rocher du haut d'un mont, avant que celui-ci ne retombe.

Le court est composé d'un plan fixe, ne montrant que le personnage de Sisyphe et son rocher : ainsi, il ne met en scène que le dénouement du mythe, la punition de l'homme. Ce n'est qu'à la fin que le champ se libère pour nous montrer, dans un plan d’ensemble, l’énormité du mont face à Sisyphe, faisant prendre conscience de l'ampleur de son fardeau.

L’Encre comme force 

 La technique de dessin utilisée est tout autant intéressante : en effet, l'usage de l'encre noire au pinceau possède plusieurs intérêts.

En premier lieu, la palette monochrome, simple, apporte un clair-obscur qui soutient la forme du personnage et celle du rocher. Mais il donne aussi, à travers la versatilité du pinceau, une grande variété d’épaisseurs et permet, d’une certaine manière, de jouer sur la force - et faiblesse - du héros au cours de sa tâche.

Une punition qui dure, de plus en plus dure

Enfin, on y trouve un changement délibéré d’échelle entre Sisyphe et le rocher. A travers le film, le roc qu’il pousse prend en volume. 

Il se retrouve en difficulté : son supplice devient, pour Sisyphe, de plus en plus long et intense. A la fois avec ce rocher, mais pas seulement, car l’on peut supposer que cette “quête sans fin” n’est, pour lui, qu’une souffrance continue.

Tout cela est accentué par une ambiance sonore minimaliste où les halètements remplissent progressivement l’espace, prenant le dessus sur les bruits rocheux.

Finalement, Marcell Jankovics offre une version brute du mythe originel, où l’intense physicalité de Sisyphe prend le dessus sur la question philosophique que son histoire a pu entraîner auparavant. Ce court, nominé aux Oscars en 1976, est une poussée d’adrénaline soudaine que je recommande à tous ceux qui ont deux minutes à perdre (ou, ici, à gagner).