Trois jours trop courts_affiche

Le festival « Trois jours trop courts » fait la part belle aux courts-métrages d'animation, un format qui laisse plus de libertés que les autres. Retour sur nos coups de cœur de la compétition adulte, qui, par leurs thèmes ou leurs techniques d'animation, nous ont particulièrement plu.



📢 Avertissement
Cet article évoque certains courts-métrages d'animation destinés à un public averti et peut ne pas convenir à une jeune audience. Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité de certain·es spectateur·ices.

La 14ᵉ édition du festival d’animation de Castres “Trois jours trop courts” s’est déroulée ces 26, 27 et 28 avril dernier au multiplex CGR de la ville. Organisé par Florence Panis et Magali Coursindel, le festival promeut l’animation et le format du court-métrage. Avec l’association Les Cinglés du Cinéma, il propose une sélection de 32 courts-métrages, réalisés en 2022 - 2023, répartis sur cinq compétitions différentes : les compétitions de l’étrange, adulte, enfants, pré-ados et ados. Trois jours trop courts est une double édition. En plus, de ses trois dates à Castres, le festival sera également présent à Albi du 24 au 26 mai 2024.

Le festival s’est ouvert le 26 avril avec les 11 courts-métrages de la compétition adulte. C’est sur cette compétition que nous allons nous focaliser ; voici quelques-uns des courts les plus appréciés :


La grande arche 

Camille Authouart (12 min) - Miyu Productions - France

“Avec près de soixante-dix œuvres d'art monumentales, disséminées dans tout le quartier, La Défense, Paris, est le plus grand musée d’Europe à ciel ouvert. Assise entre les pattes de la gigantesque Araignée Rouge, je me demande comment j’ai pu ne pas les remarquer avant.”

La grande arche est une poésie de la ville, une poésie de l’observation silencieuse. Camille Authouart nous fait nous asseoir et regarder le quartier de la Défense de Paris à ses côtés. Tel·les des témoins invisibles, nous observons avec elle les bâtiments, les œuvres et les personnes qui déambulent et vivent dans cette partie de la capitale française. Le gigantisme des bâtiments se confronte à la fragilité et l’isolement de l’individu dans une ambiance mélancolique. 

Le court-métrage invoque l’intime à travers ses visuels fait à l’aquarelle et au crayon de couleur tels des croquis d’observation. Parfois, nous avons envie de toucher l’image pour sentir le grain du papier et de la matière, nous donnant ainsi l’impression d’être, nous aussi, assis sur les marches de la Défense à contempler la société.


La Perra

Carla Mela Gampert (14 min) - Evidencia films, June film - France, Colombie.

"Être fille, être mère, être chienne. Devenir femme.”

La Perra est un court-métrage qui aborde la thématique de la sexualité féminine, de sa découverte et de la perception du corps féminin par la société. Cette sexualité n’est ni idéalisée ni diabolisée. Elle est montrée dans sa véracité. La conséquence, c'est qu’elle est crue, parfois brutale. 

L’animation nous présente ce corps féminin comme une matière malléable, telle un ballon de baudruche rempli d’eau qu’une main masculine pétrit et déforme sans délicatesse. C’est une sensation renforcée par un univers sonore très organique, associant des bruits d’eau aux images d’un corps féminin pressé par un corps masculin. Cette nature organique et aqueuse du corps est définitivement installée par la technique utilisée, l’aquarelle (de la peinture à l’eau). Ce corps féminin, une fois mature, adulte, est donc montré comme livré à la brusquerie masculine, que ce soit par son regard, celui de la société ou par son toucher. 


Herbe Verte

Elise Augarten (12 min) - Novanima productions - France

“Rouge monte dans le train. Si elle pouvait disparaître à cet instant, elle le ferait. Tout est décalé, irréel. Les souvenirs se mêlent au paysage. L’espace-temps se déchire. Une petite fille court vers une maison grinçante. Des herbes folles poussent dans le train. Rouge affronte son passé à contre-courant.”

Herbe verte est un court métrage très fort qui touche un sujet difficile, celui de l’agression sexuelle. Toutefois, le point important est l’angle sous lequel il l’aborde. Pas celui de l’acte, de la violence, mais celui de la reconstruction. 

Nous suivons le voyage en train de Rouge qui sert de parcours de reconstruction, en passant par la remémoration du traumatisme, la dissociation et enfin la réconciliation. Le film est à la fois dur avec son propos et doux avec sa protagoniste en la menant à se pardonner, à embrasser l’enfant, la victime, qu’elle était. 

Le court-métrage illustre l’état de Rouge à travers son animation, réalisée au fusain, sur une seule feuille directement sous la caméra. Par exemple, la réalisatrice montre une séparation entre Rouge (animé à la main) et le décor (qui est repris sur de la prise de vue réelle) ; ou bien Cela peut être en marquant une séparation entre Rouge (animé à la main, au fusain) et le décor (qui est repris sur de la prise de vue réelle). Ou bien, elle épuise la fibre du papier à force de gommer encore et encore quand le personnage s’enfonce dans ses pensées, matérialisant le conflit intérieur du personnage avec ses souvenirs.


La veste Rose

Monica Santos (9 min) - Vivement Lundi ! - France

“Dans les années soixante au Portugal, une veste rose quitte la penderie et transforme l’atelier de couture en salle de torture. Un film qui évoque de manière métaphorique la trajectoire de Rosa Casaco, un officier de la police politique portugaise.”

La veste rose est l’un des courts-métrages les plus captivants de la sélection. Il dresse le portrait d’un officier de la police politique portugaise, appelé Rosa Casaco (signifiant littéralement : Veste rose) de façon métaphorique. Le film est intéressant, car il crée un décalage entre son ton enjoué, porté par une musique joyeuse et entrainante, et son propos sur la torture et la dictature. 

Cette nature enjouée est renforcée par la technique utilisée dans le court-métrage, la pixilation. C’est une technique d’animation consistant à filmer des acteur·ices ou des objets réels image par image. Ainsi, cela crée un petit théâtre et nous fait découvrir une part sombre de l’histoire du Portugal grâce à des vestes et des aiguilles de couture.


Les pieds dans l’eau

Eloïc Gimenez Yoon (9 min) - Girelle Production - France

“Un couple de septuagénaires, Jeanne et Louis, va découvrir l’effet inattendu d’un bain de pieds pris en pleine journée sur leur balcon. Jeanne, à la mémoire fragile, évoque un souvenir lointain et cocasse, celui d’un chien mordant la fesse gauche de son mari. Celui-ci n’hésite pas à rejouer la scène afin de prolonger le plus longtemps possible cet instant de complicité inattendu.”

Les pieds dans l’eau met en scène le quotidien d’un couple dont la femme est atteinte d’Alzheimer. Il nous montre un amour très doux entre ces deux personnes malgré les difficultés de la maladie. Les traits mêmes de l’animation semblent fragiles, comme s’ils risquaient, eux aussi, de se briser si nous ne faisions pas attention. L’amour de ce couple s’illustre très joliment à travers les lignes de la comptine, présente dans le film, À la claire fontaine

Il y a longtemps que je t'aime

Jamais je ne t'oublierai.


Les onze courts-métrages présentés au sein de la compétition adulte du festival Trois jours trop courts de Castres se sont tous illustrés par des propositions graphiques et scénaristiques fortes. Parmi les courts qui n’ont pas été mentionnés dans cet article, nous pouvons quand même évoquer l’excellent travail de stop motion de Lea Vidakovic dans Portrait de famille qui met en scène une réunion de famille aristocratique du 20ᵉ siècle et offre une observation des liens familiaux. Nous pouvons aussi parler du nouveau court-métrage du maître qu’est Georges Schwizgebel, D’une peinture… à l’autre. Il y montre une fois encore sa maîtrise de la peinture animée et son goût pour les formes qui se transforment en permanence, offrant des paysages, ici des peintures, qui se renouvellent encore et encore.

Veste Rose de Monica Santos est celui qui conquit le cœur de Castres et remporta la compétition adulte. Cependant, la véritable victoire ne lui sera acquise que s’il arrive à également charmer le public d’Albi.

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Par Roxane